Le Blog de Charles Kabuya

À MES FRÈRES DU GRAND KASAÏ

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(En particulier aux ouvreurs de Boîte de pandore)

 

Voilà plusieurs mois que l'espace du Grand Kasaï est à feu et à sang avec l'irruption et la montée en puissance des miliciens dit "Kamuina Nsapu", au nom d'un postulant à ce titre de chef coutumier du clan des Bajila Kasanji dans la province du Kasaï Central.

 

L'historique de ce conflit, aussi brusque que sanglant, nous apprend qu'au départ il s'agissait d'un conflit de succession que l'état n'a pas su arbitrer de manière neutre et apaisée. La maladresse (ou la mauvaise foi) de certaines autorités aurait alors été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres.

 

L'historique nous apprend également que le postulant au titre de "Kamuina Nsapu", Jean-Pierre Mpandi, était un homme radicalisé contre le pouvoir central de la Rdc. De ce fait, après avoir été éconduit, il aurait incité ses partisans à s'attaquer aux symboles de l'état, brûlant des bâtiments publics et tuant des fonctionnaires, dont des policiers. Actes qui ont enclenché l'engrenage d'une répression qui lui coûtera la vie.

 

Comment alors un conflit de légitimation d'un pouvoir coutumier (chose somme toute assez courante) a pu se muer en une crise sanglante dont les conséquences à long terme sont imprévisibles aujourd'hui?
Cet "effet papillon" est la conséquence des attitudes multiformes des différents acteurs impliqués.

 

D'aucuns auraient remarqué que pas un seul dignitaire du Grand Kasaï n'a pris publiquement position sur ce conflit. L'extrême discrétion dont ils font montre n'a d'égal que leur ambiguïté, animée par des intérêts et calculs de toute sorte.

On remarquera également qu'un nombre écrasant d'originaires du Grand Kasaï, notamment dans la diaspora, s'est trompé de conflit en encourageant ce qui pouvait ressembler à une révolte populaire, alors qu'il s'agit en réalité d'un conflit à soubassement tribal.

 

Enfin, l'état, après avoir alterné répression et bons offices par le soin du ministre de l'intérieur, semble s'être engagé à restaurer son autorité par tous les moyens de souveraineté. Ce qui préfigure une escalade dans le conflit par l'affectation des troupes et la militarisation pendante des miliciens.

 

Or, pendant ce temps le sang coule et l'espace Grand Kasaï se déchire dans affrontements tribaux qui gagnent, outre les centres urbains, les coins les plus reculés des territoires. Déjà on signale un afflux de réfugiés dans certaines provinces voisines.

 

D'où j'ai pris ma plume pour interpeller les uns et les autres :
Aux dignitaires, notabilités, acteurs de la société civile du Grand Kasaï : l'avenir de cet espace commun et son développement dans la paix et la fraternité doivent transcender nos obédiences politiques et tribales, ainsi que tous nos intérêts particuliers ou partisans.


Nous devons avoir le courage de dénoncer publiquement nos propres frères lorsqu'ils tuent, violent et pillent.
Personnellement et sans ambiguïté, je me désolidarise de ces miliciens auteurs d'actes de barbarie. Leur combat ne cadre pas avec les valeurs de paix, de démocratie et de respect de la vie que je défends.


On doit tous s'engager, sans hésitation aucune, dans la recherche rapide des moyens pouvant permettre d'éteindre le feu destructeur qui se propage à une vitesse inouïe dans le Grand Kasaï.

 

Aux originaires du Kasaï (singulièrement à ceux de la diaspora), qui se trompent de combat en attisant le feu et en encourageant directement ou indirectement les milices "Kamuina Nsapu":


Vous ne mesurez pas les conséquences de vos actes en faisant feu de tout bois dans vos combats contre le pouvoir congolais. Votre aveuglement, parfois involontaire à cause des manipulations médiatiques, contribue à galvaniser ceux qui enflamment l'espace Grand Kasaï.


Faites attention aux tenants de la haine et la vengeance tribale qui n'hésitent pas à lancer des fatwa sur les réseaux sociaux appelant à l'assassinat d'autres fils du Kasaï, dont Alex Kande, E. Boshab ou encore Clément Kanku. Imaginez un seul instant que cela arrive. Cela ne va-t-il pas déclencher des actions de vengeance sans fin et plonger encore plus le Kasaï dans les ténèbres des temps révolus ?

 

Ces individus, soit disant intellectuels, mais dont la fibre tribale est plus forte que leur intelligence sont les fossoyeurs de l'unité Kasaïenne. Pour impressionner les esprits, ils invoquent un mysticisme ancestral et quasi enfantin auquel ils s'accrochent encore au lieu d'embrasser l'avenir. C'est cette même démarche pseudo mystique qui convainc les jeunes enfants de se conduire en Kamikaze devant les canons des forces de sécurité.

Ces sinistres et rétrogrades individus sont des criminels qui devront répondre de leurs actes pour avoir mis en danger l'unité Kasaïenne et la cohésion nationale.

 

La colère est légitime après la mort dans des circonstances peu claires du chef coutumier, et justice doit être rendue.
Mais cela vaut-il la peine de mettre à feu et à sang tout le Grand Kasaï et ruiner des décennies de cohésion provinciale?
Cela justifie-t-il la destruction des rares infrastructures de ces provinces délaissées depuis l'indépendance?
Faudrait-il s'attaquer à l'église catholique et à ses institutions qui procurent une rare instruction de qualité?
D'ailleurs ces aberrations irrationnelles ne sont pas comprises par ceux qui essayent d'appréhender ce conflit.

 

Aux autorités étatiques :
Pour se faire respecter, l'état se doit d'être juste et équitable.

Je suggère un audit de la gestion de ce conflit afin d'en tirer les leçons et apaiser les populations inquiètes.


Je suggère également de décréter l'état d'urgence dans le Kasaï Central d'où est parti le conflit, et de suspendre les institutions provinciales, en procédant à leur remplacement par des administrateurs provisoires non originaires.


Afin d'examiner tous les problèmes qui sont les corollaires des tensions dans l'espace Grand Kasaï, je suggère la mise en place d'un conseil permanent, réunissant les autorités publiques et la société civile, auprès duquel l'état devra présenter un plan d'appui au développement du Grand Kasaï, espace qui n'est pas démuni de richesses naturelles...

 

Enfin, les images effroyables qui ont fait le tour du monde ont terni la réputation de notre armée lors de ses opérations dans le Kasaï. Il est important que la justice militaire soit exemplaire sur les cas imputés afin de rassurer l'opinion nationale et internationale. À ce jour, les bruits qu'on entend sur les dernières opérations à Kananga ne sont pas de nature à rassurer.

 

Le Grand Kasaï est un espace composite où plusieurs ethnies cohabitent pacifiquement depuis des décennies. La soudaine irruption des conflits tribaux est un recul qui le menace d'implosion, et surtout, retarde son développement.


Il a besoin de la solidarité de la nation pour éviter de sombrer, avec toutes les conséquences sociales et humanitaires que cela implique...

 

Charles Kabuya



11/04/2017
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