DE LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME URGENTE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS EN RDC
Avec la convocation récente de deux patrons de chaînes de télévision à l'ANR, on constate que l'agence nationale des renseignements continue de bénéficier de prérogatives exhorbitantes de sa mission de sécurité nationale. En clair l'ANR continue de fonctionner comme la police politique du pouvoir comme par le passé. En effet, elle demeure de ce point de vue dans la tradition de ses ascendants (CND, CNRI etc.) dont le souvenir terrifiant hante encore de nombreux congolais.
Avant et après sa prise des fonctions, le nouveau chef de l'état avait promis "d'humaniser l'ANR". Ses cachots secrets et tant redoutés, où l'on détenait des suspects sans jugement au nom d'une "sécurité nationale" aux contours indéfinissables, ont officiellement été fermés. C'est une excellente décision à mettre au crédit du président Félix Tshisekedi.
Cependant, "humaniser" l'ANR est une volonté qui se limite à la dimension morale. Ce qu'il faut c'est une réforme permettant la réorganisation du secteur des renseignements, qui fonctionne toujours dans le paradigme répressif, et la définition des véritables missions de notre agence des renseignements. On doit en faire un véritable organisme des professionnels du renseignement extérieur et intérieur, contrairement à ses agissements actuels qui l'assimilent à une agence policière d'état. Cette hybridité devrait cesser pour renforcer son efficacité en tant qu'agence de renseignements dont les missions essentielles consistent en la documentation extérieure, le contre-espionnage, le renseignement intérieur et l'intelligence économique.
Ailleurs quand le citoyen rencontre un agent des services secrets, il admire l'homme ou la femme qui accomplit une mission périlleuse de protection de la sécurité nationale. Chez nous, face à un agent des renseignements, le citoyen lambda est terrorisé, car il perçoit un individu aux pouvoirs exhorbitants, capable d'influer sur son destin à cause d'un simple propos imprudent de sa part... D'ailleurs il est bien connu que certaines affaires privées se règlent en recourant à des agents de l'Anr pour interférer au profit de la cause la plus influente...
Cette latitude accordée aux agences de renseignement pour agir dans l'extrajudiciaire est une source d'injustice permanente et une cause d'empiétements sur les prérogatives des autres institutions publiques.
Dans le cas des chaînes de télévision par exemple, lorsqu'il y a des dysfonctionnements, il appartient à l'autorité de régulation de ce secteur d'admonester les dirigeants des chaînes. Le ministère de la communication et des médias peut également faire un rappel à l'ordre, de même que l'organisation professionnelle des journalistes. Lorsque qu'il s'agit des matières relevant de la fiscalité des entreprises, les services compétents doivent agir conformément aux procédures légales.
Il est incongru que ce soit un chef des services de renseignements qui convoque des dirigeants d'entreprises audiovisuelles pour les soumettre à la question sur la ligne éditoriale de leurs médias ou sur les taxes dues par leurs entreprises. Il n'y a aucun rapport avec la sécurité nationale dans cette démarche.
Je plaide pour une réforme rapide du secteur des renseignements, et en particulier de l'Anr pour la recentrer sur ses missions premières, ceci afin qu'elle ne serve plus d'épouvantail aux yeux des citoyens.
C'est aussi cela son humanisation...
Me Charles KABUYA
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