Le Blog de Charles Kabuya

DISCUSSION SUR LA PROBLEMATIQUE DU DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE NOIRE

Il serait absolument prétentieux et même ridicule de vouloir résumer en quelques mots la problématique du développement en Afrique. De la même manière, les voies et moyens qui doivent permettre au continent de sortir de l'impasse actuelle et de prendre un décollage définitif ne peuvent se préscrire comme une ordonnance médicale, mais doivent résulter d'une confrontation d'idées et d'expériences avec constamment le souci d'adaptation aux réalités et aux besoins de l'Afrique. Comme on le sait, c'est une problématique complexe qui mêle à la fois les idées et les moyens (dont les moyens humains, c'est-à-dire les hommes capables de gérer à bon escient le développement de leurs pays)
On peut néanmoins dégager quelques lignes de force et une esquisse de consensus à travers quelques questions qui me paraissent essentielles:

LE BILAN DES INDEPENDANCES AFRICAINES EST-IL NEGATIF?
Si certains pays de la sphère anglophone semblent avoir pris de l'avance sur le plan du développement, dans l'ensemble les pays africains n'ont pas décollé (le cas de l'Afrique du Nord étant à part)
La plupart des pays africains font face à des calamités de plusieurs ordres: politiques (mauvaise gouvernance, guerres...), économiques (crise économique et énergétique, insuffisance alimentaire, chômage endémique...), sociales (éducation au rabais ou inexistante, épidémies réccurentes, destruction du tissus social, tribalisme...), naturelles (sécheresse et autres catastrophes naturelles...)
Cependant, la croissance économique a été pratiquement exponentielle au cours des dernières decennies, mais ses effets ont été annihilés à la fois par les carences en matière de management politique et économique des ressources, et par la croissance, elle aussi exponentielle, de la population.

L'AFRIQUE NOIRE DISPOSE-T-ELLE D'ATOUTS SUFFISANTS POUR SON DEVELOPPEMENT?
Depuis sa colonisation, l'Afrique a été spécialisée en pourvoyeuse de matières premières brutes, car dans la plupart des cas ces dernières n'étaient même pas conditionées et encore moins transformées sur place. Cette "tare originelle" a poursuivi le continent comme un signe indien et aujourd'hui cette spécialisation (qui a été pertinemment appelée "la division internationale du travail" par les économistes d'obédience marxiste) plombe encore une Afrique qui n'a pas su anticiper les enjeux économiques du futur en diversifiant son offre sur le marché mondial. Aussi n'est-il pas étonnant qu'elle participe à un niveau faiblement ridicule aux flux commerciaux planétaires. Ainsi on peut se rendre compte que la matière première en soi n'est pas un atout suffisant lorsqu'elle n'est pas gérée dans une stratégie économique visionnaire. Dans le cas de l'Afrique noire, nos Etats se complaisent dans une situation de rentiers des matières premières et cela ne peut pas suffire pour générer les ressources nécessaires aux besoins du développement (surtout qu'elles sont en plus soumises à une prédation systématique)
Au final, nos économies sont largement tributaires de l'aide extérieure, faute de dynamique intérieure...; nos pays sont soumis aux règles du jeu implacables des institutions financières internationales, faute de marges de manoeuvre internes au niveau budgétaire...; nos politiques économiques inexistantes ou alignées, faute de la latitude que peut conférer une situation saine...
En dehors des richesses naturelles, le facteur humain (ressource humaine) est l'autre atout sur lequel l'Afrique peut compter. Mais force est de constater que dans ce domaine aussi, le retard de l'Afrique est proprement effrayant. Les indicateurs sociaux du développement (éducation, santé etc...) sont globalement très faibles et font de l'homme africain l'un des plus défavorisés de la planète. Et c'est cet homme qui est appelé à entrer en compétition économique avec ceux des autres continents qui bénéficient de conditions plus avantageuses. Cependant, l'Afrique dispose d'une élite importante qui est sous-employée ou sous-payée, sans parler de la fuite des cerveaux et de l'importante diaspora. Donc, elle n'exploite pas au maximum ses ressources humaines. D'autre part, sa jeunesse fait preuve d'une vitalité impréssionnante (petits métiers, débrouillardise...) Il n'y a qu'à voir l'importance de l'économie informelle sur le continent. Toute cette énergie doit être canalisée pour les besoins du développement.

LE CONTEXTE POLITIQUE ET SOCIAL PERMET-IL A L'AFRIQUE DE SE DEVELOPPER
On peut se poser la question de savoir si un pays peut se développer sans démocratie.
A mon avis, le critère politique principal pour assurer le développement est la bonne gouvernance. Et je suis également d'avis que la démocratie est la meilleure garante de cette bonne gouvernance, car le pluralisme qui lui est intrinsèque permet la confrontation des idées pour une meilleure stratégie de développement et le contrôle citoyen sur la gestion des ressources affectées au développement. Bien entendu on peut mal pratiquer la démocratie (c'est-à-dire la détourner ou la manipuler...), mais pour son bon fonctionnement des garde-fous sont indispensables. Certains pays, comme la Chine, ont fait des avancées économiques spéctaculaires sans pour autant être des démocraties, mais le développement ne se limite pas qu'à l'économie, aujourd'hui la société chinoise aspire à un mieux être social et politique, et ça c'est inéluctable.
Quant au contexte social en Afrique, il est tributaire de la "qualité" du facteur humain. Moins une population est éduquée, plus elle verse dans des us et coutumes incompatibles avec les exigences du développement. C'est pourquoi on voit en Afrique des phénomènes déplorables comme le tribalisme, le népotisme, la corruption endémique ou encore l'incivisme indécrottable. Sur cet aspect, il faut savoir que les "particularismes" des africains font même l'objet d'études. Le sulfureux journaliste "africaniste" Stephen Smith avait publié récemment un livre ayant comme titre: "Négrologie" (littéralement "étude du nègre"), dans lequel il stigmatise le laisser-aller des africains (nonchalance au travail, manque de ponctualité, fétichisme etc...) Ce livre est devenu une sorte de" bible" recommandé dans certaines grandes écoles de commerce pour "préparer" les cadres européens qui devront un jour aller travailler en Afrique...

L'AFRIQUE PEUT-ELLE SE DEVELOPPER TOUTE SEULE
Evidemment que non au vu des carences importantes que nous avons énumerées (sans être exhaustif). Le continent a été pris en main depuis les indépendances jusqu'à ce jour. Son développement a toujours été une affaire de partenariat avec des institutions et organismes internationaux dédiés. Beaucoup d'argent a été injecté en Afrique et l'endettement phénoménal des pays africains est la conséquence de cet état de fait.
Malgré cette "sollicitude" (intéressée) le continent peine à décoller, et dans certains cas il est allé droit dans le mur. Dès lors se pose la question de savoir si on fait comme toujours ou alors on expériemente d'autres voies comme la coopération Sud-Sud (avec les pays émergents: Chine , Brésil, Inde etc...). C'est là qu'il faut que le "brainstorming" africain soit partie prenante de la conception et de la mise en oeuvre des politiques innovantes en matière de développement. Le jeu en vaut la chandelle car le continent n'a pas encore épuisé ses ressources: celle que constitue sa terre et celle que représente ses enfants.
Pour conclure, on devrait dire: "en Afrique non seulement on a du pétrole, mais on a également des idées...
 


06/11/2010
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