L'APPEL DU VENTRE (UNE GÉNÉRATION SANS IDÉAL)
J’aurais pu intituler ce billet “La danse du ventre” sans que cela n'altère mon propos, car la panne de l'imaginaire des nouvelles générations congolaises est bien en adéquation avec le manque d'inspiration de nos musiciens, créateurs de danses. Ces dernières se résument depuis quelques années, tous groupes musicaux confondus, aux mouvements des reins, à la danse du ventre sans chorégraphie ni originalité. Fini le temps où les groupes rivalisaient de créativité avec les pas des danses dont certains sont inoubliables. Les tours des reins sont désormais obligatoires, comme le sens giratoire…
Pour revenir plus sérieusement à mon propos, je considère comme très grave et certainement périlleux pour l'avenir, le manque d'idéal des nouvelles générations en RDC.
Elles ignorent les grands principes républicains, les idéaux de progrès et de développement commun, et même le vivre ensemble qui cimente une nation est mis à mal depuis quelque temps. Il en est ainsi également du patriotisme qui fait défaut chez certains jeunes, prompts à succomber aux sirènes des ennemis du pays pour leurs propres intérêts.
Il est fort inquiétant de constater que la culture politique est réduite à une bousculade aux portillons des partis politiques, avec l'espoir de pouvoir obtenir un quelconque avantage social. Les partis politiques congolais sont d'ailleurs dans leur quasi-totalité des marchepieds pour les ambitions de leurs “leaders-fondateurs-présidents-à-vie” dans la course aux fonctions institutionnelles socialement flatteuses et financièrement juteuses.
Ces coquilles idéologiquement vides n'ont rien à offrir à la jeunesse, en dehors des promesses matérialistes aléatoires, conditionnées par la soumission, voire la vénération du leader. L'essentiel du combat politique devient celui de la victoire de “l'autorité morale” autour de qui orbitent toutes espérances d'une jeunesse clientélisée et prête à exécuter pour lui la danse du ventre en toutes circonstances.
Ainsi, lorsqu'on évoque la question pertinente de la nécessité de renouveler la classe politique, on oublie que la pièce de rechange est largement corrodée et que l'homéopathie ne fonctionne pas en politique. Remplacer le mal par le mal peut même s'avérer un remède bien pire.
D'ailleurs, l'émergence d'une nouvelle génération politique est oblitérée par la vieille garde qui compte maintenir ses privilèges, sur lesquels quelques jeunes ambitieux dont les dents pourraient rayer le parquet tentent de leur faire concurrence.
Malheureusement, à quelques rares exceptions près (je citerai l'exemple de l'actuel ministre de la justice qui a fait preuve de volontarisme), la jeunesse politique qui tente d'émerger est très conventionnelle et porteuse des mêmes fléaux qui gangrènent notre pays. Aux discours creux ou intellectuellement indigents succède le mimétisme reproducteur des mauvaises pratiques dans la gestion des intérêts collectifs. Tandis que la course aux fonctions dans l'administration et les cabinets politiques est devenue un sport national pour cette jeunesse désabusée et sans réelle valeur ajoutée pour le développement du pays.
Pire, ces derniers temps on a assisté à une libération de la parole tribaliste parmi les jeunes, cela avec une véhémence et une inconscience qui font frémir. La résurgence des attitudes rétrogrades et des postures ethnicistes menace gravement l'unité congolaise, car elle porte en germe le séparatisme. Et lorsque ce discours est porté par des jeunes, dont des intellectuels, il y a péril en la demeure. On en viendrait presque à regretter la rhétorique unitariste de Mobutu, qui avait contribué réellement (quoi qu'on en pense) à affermir la cohésion nationale.
Les valeurs républicaines ne doivent aucunement faire l'objet d'une transigeance. Elles sont fondamentales et cruciales pour la survie d'une nation. La jeunesse congolaise, singulièrement la nouvelle génération politique, doit en être nourrie.
C'est pourquoi, il serait judicieux de se hâter pour instaurer à travers tous les canaux d'éducation une formation civique pour la jeunesse, avec un important coefficient de notation dans le milieu scolaire. Et pourquoi pas, si les moyens le permettent, instituer un service civique d'un ou deux mois à l'âge de majorité pour renforcer la conscience nationale chez les jeunes.
Sans grands idéaux ni repères moraux, et tant qu'elle ne sera guidée que par ses ventres affamés, la jeunesse congolaise ne pourra pas constituer une alternative pour l'émergence du pays…
Me Charles Kabuya
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