Le Blog de Charles Kabuya

L'AUTO-FLAGELLATION, UN DANGER INSIDIEUX POUR LE CONGO

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Il y a actuellement une dynamique psychologique négative que nous renforçons en nous sans nous en rendre compte. C'est exactement comme un élève à qui on martèle qu'il est nul, à la longue il finit par le croire et se persuader qu'il ne réussira jamais.

 

Beaucoup de congolais répètent mot pour mot ce que disent certains étrangers sur nous, et avalisent leurs propos méprisants. En quelque sorte l'objectif de ces étrangers est atteint : persuader les congolais qu'ils sont nuls et en fin de compte qu'ils sont un peuple inférieur…

 

En réalité, la plupart de ceux qui nous dénigrent ne nous aiment pas et veulent nous dominer. Malheureusement, ils sont en train réussir la première étape de la guerre psychologique, car en effet nous en sommes arrivés à nous persuader (souvent par la bouche de nos intellectuels) que nous sommes inférieurs à ceux qui nous martèlent cette litote haineuse. C'est la même méthode qui fut utilisée par les colons et qui a eu pour conséquence que certains noirs sont toujours persuadés jusqu'à aujourd'hui qu'ils sont inférieurs aux blancs.

 

Je voudrais attirer l'attention des intellectuels congolais sur ce piège de l'auto-persuasion qui est la première étape de la destruction et la domination d'une nation. On nous jette souvent à la figure un cliché surfait, comme il en existe bien ailleurs (les irlandais et les polonais sont des ivrognes, les anglais perfides, les français pédants, voire les belges cons etc.) Ce cliché qui nous est accolé rivalise de mépris : nous serions des BMW (Beer, Music, Women). Bref, on nous reproche d'aimer la vie tout simplement. Outre le fait que c'est tout à notre honneur (nous sommes un peuple pacifique qui n'a jamais agressé un pays voisin et un peuple accueillant qui a ouvert ses bras dans son histoire passée et récente à des millions de réfugiés et de migrants aussi bien africains que venus d'autres continents), ce cliché est surfait et malveillant. Le Congo est la mère patrie de centaines de milliers d'intellectuels, d'ingénieurs, de médecins et autres hommes et femmes valeureux qui œuvrent dans plusieurs pays du monde. On dit d'ailleurs que le Congo est parmi les pays qui produisent le plus de travaux universitaires en Afrique.

 

Sur le plan culturel nous devons être fiers de notre musique (d'ailleurs c'est elle qu'on joue partout en Afrique orientale, ces peuples en sont friands malgré qu'ils la dénigrent et ils sont incapables de rivaliser avec nous sur ce plan) Nos artistes furent les premiers à remplir des salles de spectacles immenses et emblématiques en occident. À commencer par Rochereau qui fut le premier musicien africain à se produire à l'Olympia de Paris en décembre 1970 et fit la fierté de toute l'Afrique. Aujourd'hui encore nos jeunes artistes s'illustrent par leur créativité et leur talent unique qui influencent des tas d'artistes africains. Ils sont invités dans les événements d'envergure sur tout le continent et vont à l'assaut des grandes salles en occident. 

 

Notre musique - originale, riche et variée- a bercé des générations d'africains. Il suffit d'aller sur la plate-forme YouTube pour lire les commentaires et témoignages poignants des africains sur les grands succès de la musique congolaise. C'est un patrimoine aussi inestimable que respectable, et dont nous devons être fiers. De la même manière nous devons rester fiers de notre mode de vie caractérisé par une soif de liberté, et même de son côté un peu frivole (le dandysme et la sape sont tout aussi répandus en Angleterre et en Italie).

 

Nous avons un pouvoir culturel sur la plupart de ces pays d'Afrique qui nous dénigrent. C'est un grand pouvoir d'influence que nous ignorons et sur lequel nous culpabilisons comme des idiots. Regardez comment les européens se démènent contre la domination culturelle américaine à travers le cinéma, les séries télé et la musique (rap etc.)

 

Arrêtons cette dynamique négative. Demandez-vous pourquoi tous ces gens parlent de nous (en mal) alors que nous de notre côté nous ne prenons pas le temps d'insulter qui que ce soit. Il demeure une fascination résiduelle intense pour le Congo, ce malgré tous les dénigrements.

 

Certes nous avons énormément de problèmes, mais le Congo est un pays complexe, plus complexe que tous les autres pays voisins réunis. Nous avons près de 11.000 kilomètres de frontières à surveiller, un territoire aussi immense que l'Europe occidentale, une population de plus de 100 millions d'habitants et plus de 350 ethnies. Notre unité, sans guerres tribales comme chez beaucoup de nos voisins, est à elle seule presque un miracle qu'il convient de souligner. Mais surtout, notre défi de développement n'a aucune commune mesure avec celui du Sénégal, qui a la taille de la province du Kongo Central. Sans oublier que notre pays fut un désastre humain (et un désert intellectuel) au moment de son indépendance. Le retard sur ce plan nous a beaucoup défavorisés. De même que la mauvaise gestion de notre premier demi siècle ne nous a pas aidés.

 

Nous avons un immense travail à faire sur nous-mêmes pour pouvoir développer ce pays, en premier lieu la valorisation de nos ressources humaines. Aussi, gardons nous de contribuer à la genèse d'une génération de congolais nourris d'un complexe d'infériorité, comme c'est le cas actuellement.

 

En tout cas moi je ne me sens pas inférieur à un Kenyan ou à un sénégalais, et à fortiori à un rwandais…

 

Maître Charles Kabuya

 

©Cheri Samba �



17/08/2022
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