Le Blog de Charles Kabuya

LA DIASPORA MALADE DU CONGO

Je ne peux qu'exprimer mon indignation face au sort subi par le jeune artiste Olivier Tshimanga qui a été molesté après le concert avorté de Papa Wemba et de Werrason. Si ces informations sont vraies, je les condamne avec la dernière énergie ainsi que leurs auteurs. Cela ne nous honore pas et jette l'opprobre sur toute la diaspora congolaise (qui déjà, entre nous, n'a pas toujours eu une bonne réputation...)

Toute démarche qui use de violences, d'intimidation, de menaces et d'insultes ne devrait pas trouver grâce à nos yeux... C'est le b a - ba de la démocratie...
Si le langage de la haine continue a être toléré et propagé, des hordes de jeunes incontrôlés vont sévir de part et d'autre, et tout cela finira mal un jour au sein de la diaspora. Je crains qu'un de ces quatre il y ait mort d'homme, et on risquera alors d'entrer dans un cycle de vendetta et de règlements de comptes incontrôlables. Tout cela à cause de FUTILITES (concert de musique où on n'oblige personne à aller... Ceux qui veulent y aller y vont, et ceux qui veulent "sanctionner" un artiste car ils sont en désaccord n'y vont pas...)

D'une manière générale, notre société congolaise est en panne, minée par les anti-valeurs. La diaspora n'est pas exempte car elle cristalise à l'étranger tous les maux de la société congolaise, avec comme indicateur une importante population carcérale. Et inutile de faire ici une leçon sur la dépravation des moeurs au sein de la diaspora qui atteint surtout les jeunes. J'estime que nous sommes mal placés pour donner des leçons de morale à nos parents au pays et faire des artistes des boucs-émissaires, même si certains comportements scéniques accusent la frivolité ambiante.

J'éprouve une crainte légitime face à la dérive violente qui menace de basculer des paroles aux actes. Les faits concernant Olivier sont des prémices qui ne rassurent pas. La haine est perceptible et elle se déverse par médias et réseaux sociaux interposés.
En tant que juriste, je donnerai un conseil à tous ceux qui, de part et d'autre, s'affichent à visage découvert en tenant des propos haineux et en proférant des menaces de violence. Apparemment, ils ne se rendent pas compte de la gravité des propos qu'ils tiennent car ils les rendent passibles de poursuites pour incitation à la haine et ils pourraient également constituer des indices de préméditation s'il y a un drame. Ces images pourront être utilisées contre eux. TOZALI NA MBOKA MOPAYA, EN PERIODE DE PRE-ELECTION SARKOZY NE POURRA PAS ACCEPTER QUE DES ETRANGERS FASSENT LEUR LOI ET LEURS REGLEMENTS DE COMPTES SUR LE SOL FRANCAIS... Et puis, on a actuellement un exemple édifiant avec le grand couturier John Galliano qui a des ennuis judiciaires à cause de simples propos haineux...

Un démocrate congolais ne peut cautionner la haine. Notre pays a besoin de plus grands combats que celui-là...
Mais, je crains aussi qu'il ne soit trop-tard pour freiner les passions...

 

Depuis que je suis intervenu pour reprouver la conduite, marquée au coin de la délinquance, de certains compatriotes à l'endroit du jeune artiste Olivier Tshimanga, je vois mon mur facebook badigeonné de commentaires passionnés.

Je persiste à dire qu'un concert de musique ne vaut pas la peine d'une guerre dans la communauté. Eduquons bien nos enfants dans nos maisons et mettons les à l'abri des choses qui peuvent les corrompre moralement. Il y a bien de choses plus scandaleuses qu'ils peuvent voir sur internet qu'une simple danse lascive. Quant à l'opinion politique des artistes, elle n'engage qu'eux-mêmes. Des journalistes, des sportifs, des artistes dans d'autres domaines affichent leurs préférences politiques sans que cela n'offusque grand monde. Faut-il boycotter l'équipe nationale parce que certains joueurs sont pro-gouvernement? Quelque soit la cause que l'on défend et les objectifs que l'on poursuit, rien ne peut justifier la censure, l'intimidation, l'insulte et la violence. Or que vois-je dans les commentaires? une rhétorique ahurissante entre compatriotes, des termes comme "ennemis", "collabos", "nazi" et j'en passe... Certains essayent même de se donner des airs de gestapistes  Au final le spectacle est désolant et ne nous grandit pas. On pourrait être tenté d'en rire, mais le sujet est très grave car il engage notre démocratie et l'avenir de notre pays. Le tout sur fond de millions de morts et de populations violentées dans l'est du pays depuis plusieurs années.

C'est pourquoi je voudrai faire cette petite introduction à la problématique de l'est du Congo, car il y a beaucoup d'amalgame et de confusions dans ce débat. On mêle à la fois les opinions politiques et les passions nourries par des rancoeurs diverses.

Pour commencer,  je rappelle à tous que j'ai publié un livre sur l'histoire générale du Congo que je vous conseille de lire, car il s'agit d'un survol de notre histoire, de la préhistoire à nos jours. Dans cet ouvrage je consacre une partie importante à la transition politique après la chute du régime de Mobutu. J'ai ainsi évoqué sans complaisance la tragédie à l'est du pays et la problématique du Kivu qui date d'ailleurs de l'époque de Mobutu. Dans un chapitre intitulé "Des apprentis-sorciers dans les Grands-Lacs", j'ai mis à l'index les responsables de cette tragédie en prenant des risques sur le plan éditorial, car certains comme Pierre Péan ou charles Onana ont été trainés en justice. J'ai d'ailleurs mis en ligne des extraits de mon livre sur Facebook et sur mon blog (charles-kabuya.blog4ever.com)

Le sujet qui concerne les millions de morts congolais est très profond et mérite un autre traitement que ces polémiques de bistrot. J'ai été personnellement affecté par le sort macabre des congolais de l'est car je connais cette région pour laquelle j'ai un attachement particulier. En effet, j'ai eu la chance d'y passer quelques années de ma jeunesse car mon père y avait été muté pour diriger la succursale d'une grande banque congolaise. Donc, contrairement à beaucoup de ceux qui mégotent sur le sujet, je connais bien le Kivu, en particulier Bukavu et Goma.

Bien avant la publication du récent rapport mapping de l'Onu, j'avais épluché le rapport de 2001 du courageux rapporteur de la Commission des droits de l'homme de l'Onu, Roberto Garreton. On y avait déjà revélé tout ce que le rapport mapping a publié aujourd'hui. Tout cela se trouve dans mon livre, que j'ai écrit dans le but d'apporter ma contribution à l'édification des congolais sur les origines des tragédies qui ont sémé la mort et la désolation dans notre pays.

Ce qu'il faut comprendre aujourd'hui, c'est que l'administration Clinton a sur-armé et sur-protégé le régime de Paul Kagamé qui a toujours manifesté des ambitions immodérées dans les Grands-Lacs. Inutile de dire que plusieurs pays occidentaux ont été les complices des forfaits rwando-ougandais dans notre pays car la théorie à l'ordre du jour était celle de la balkanisation ou du dépeçage du Congo. Mais que dire des groupes rebelles congolais qui ont été parrainés par les principaux pays instigateurs des violences à l'est, l'Ouganda et le Rwanda? Les responsables de ces mouvements rebelles devenus partis politiques ainsi que leurs collaborateurs bénéficient d'une impunité totale au Congo et comptent même de nombreux partisans parmi nous dans la diaspora. Il est vrai que Sun City est passée par-là et les tontons flingueurs ont été ramenés à la maison...

Il fallait faire la paix et repartir d'un bon pied, mais malheureusement le consensus est resté introuvable car le démon de la division continue à hanter les congolais. Outre les problèmes de gouvernance, les violences continuent à l'est à cause des bandes armées financées par le produit de l'exploitation illicite de nos richesses et alimentées par les conflits communautaires qui persistent.

C'est sur ce dernier point qu'il faut nous fassions très attention. Le gouvernement de Paul Kagamé a fait beaucoup de mal aux congolais, notre tragédie est l'une des plus importantes depuis les grands conflits mondiaux, dixit la sénatrice noire américaine Cynthia Mckinney. Le retour à la paix dans l'est du pays passe par la résolution des conflits communautaires, l'assainissement de la situation économique (fin des pillages des richesses avec les complicités locales), et l'engagement pour la paix du principal pays à problème: le Rwanda. Les rancoeurs envers ce pays sont importantes, mais il ne faut pas que par mimétisme nous reproduisions la tragédie rwandaise dans notre pays. La sulfureuse Colette Braeckman a parlé de "métastases génocidaires rwandaises", il ne faut pas qu'elles contaminent notre pays. Bien que leur pays nous ait fait du mal, il faut savoir que tous les rwandais ne sont pas pro-Kagamé, ni même tous les tutsi. Ce qui se passe aujourd'hui est très grave, car dans la bouche d'un nombre de plus en plus croissant de congolais le mot tutsi est devenu une injure. La prochaine étape sera l'appel au meurtre et je n'ose pas imaginer la suite...

 

Non, nous sommes des êtres sensés, et pour la plupart des chrétiens, or la conscience chrétienne interdit d'appliquer la haine à autrui. Certes, nous devons combattre nos ennemis, nous devons reclamer justice pour nos morts, mais cela doit être un combat juste, qui n'use pas de la réthorique ni de la dialéctique raciste ou nazie. Quel spectacle donnons-nous aux européens, nous qui nous offusquons lorsque des propos racistes sont proférés à notre endroit? A chaque fois que nous insultons un africain, essayons remplacer "rwandais-tutsi" par "noir" et imaginons que c'est un européen qui prononce ces mots... Il faut surtout qu'entre nous congolais on cesse de nous jeter à la figure ces "insultes": tel est rwandais-tutsi" car il n'est pas d'accord avec moi... C'est enfantin et même ridicule.

Paul Kagamé a déjà montré son machiavélisme par le passé, il attend que la haine des congolais les poussent à massacrer des tutsi pour intervenir en prenant à témoin le monde entier qui lui donnera alors raison et l'aidera à s'emparer d'une partie de notre territoire comme cela vient de se passer au Soudan. Il ne faut que l'on tombe dans son piège. Je dis cela sans jouer les cassandre...

Tout observateur extérieur qui va sur les forums congolais ne peut qu'être abasourdi par la violence des propos, la vulgarité et la bassesse qui s'y expriment, sans parler des incohérences, des divagations et de la mauvaise foi de certains aigris. Le seul pays africain qui cristalise autant de haine entre ses ressortissants est la Côte d'Ivoire, et on voit où elle en est: c'est la guerre!... De grâce, ne prenons pas ce chemin. Ce peuple n'a que trop souffrert, il n'a jamais connu le bonheur depuis que Léopold II a posé ses gros sabots sur cette terre congolaise...



01/03/2011
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