LA FIN DE L'UNIVERSALISME ?
La flamme olympique n'a pas qu’embrasé la magnifique vasque dorée, suspendue à un ballon, lors de la cérémonie d'ouverture des 33èmes olympiades à Paris. Elle a aussi alimenté des débats enflammés partout dans le monde sur le choix des symboles par les metteurs en scène du gigantesque show qui a illuminé la capitale française, et dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'a laissé personne de marbre.
Plusieurs réactions choquées sont parvenues du monde entier, notamment sur ce qui est considéré par les croyants chrétiens comme une transgression de l'un des symboles majeurs du christianisme, qui est la Cène.
Même si l'ensemble de la cérémonie a été de haute volée, l'angle jugé macabre sous lequel ont été présentés certains faits de l'histoire de la France, le décorum libertin de certaines scènes et la représentation trop marquante des minorités sexuelles ont heurté la sensibilité de beaucoup de personnes de par le monde.
Ces controverses illustrent bien un phénomène que l'on peut constater depuis quelques décennies, qui est l'accélération des ruptures à l'échelle planétaire sur les grands sujets liés aux valeurs sociétales ainsi qu'aux consciences religieuses et philosophiques.
Les antagonismes humains ne sont pas un phénomène nouveau. Elles font partie de la nature de l'homme et elles ont façonné son histoire depuis les temps immémoriaux.
C'est ainsi que la religion a constitué la source des antagonismes en Occident depuis l'époque médiévale, avec des soubresauts internes au christianisme qui ont donné naissance aux schismes et à la prolifération du protestantisme.
Les guerres des religions avec les conquêtes islamiques et les croisades chrétiennes ont elles aussi façonné le monde pendant longtemps, avant qu'au 20e siècle les conceptions sociétales basées sur les modèles économiques ne cristallisent une nouvelle division du monde entre le bloc de l'est socialiste et l'ouest capitaliste.
Cet antagonisme a accompagné les mouvements d'indépendance dans le monde jusqu'au déséquilibre des rapports de force qui fut symbolisé par la chute du mur de Berlin.
Depuis lors, les avancées technologiques ont accéléré la mondialisation et les échanges entre différentes cultures.
Dans cette nouvelle configuration, il y a une surexposition du modèle à tendance dominante occidental à travers les vecteurs culturels (cinéma, télévision, internet…)
D'où un choc des cultures inévitable, car le modèle occidental se veut universaliste en se fondant sur des valeurs qui furent autrefois partagées par les peuples aspirant à la liberté lorsqu'ils étaient sous le joug colonial.
Mais le monde occidental a connu une évolution interne différente, notamment sous la poussée des minorités. D'abord des féministes qui ont contribué à libérer la femme de la condition anachronique dans laquelle la maintenait une société bloquée sur le passé ; Ensuite des minorités sexuelles conquérantes, dont l'influence sur la société est inversement proportionnelle à sa représentativité, mais qui en a progressivement modifié les codes.
Ceci a abouti à une transformation profonde de la société occidentale et à une réinitialisation des valeurs, allant parfois au-delà de l'entendement pour certains peuples du monde.
C'est ainsi que ce modèle est aujourd'hui largement controversé, notamment dans les pays musulmans et dans la majorité des pays du Sud, en particulier sur les valeurs basiques comme la famille, la société, l'éducation et la sexualité. Celles-ci ont été remises en question en Occident par des constructions telles que la théorie du genre, le mariage homosexuel ou encore la gestation pour autrui.
Ces “avancées”, selon la conception occidentale, sont perçues comme des signes de dégénérescence par des peuples attachés à leurs cultures ou à leurs religions.
L'Occident a de plus en plus de mal à mettre en avant l'universalisme de son modèle de société, comme furent autrefois idéalisés les concepts de liberté, d'égalité et des droits de l'homme.
Sur ce dernier point, ses propres contradictions dans l'approche des conflits qui secouent le monde ont fini par le discréditer, car il pratique ouvertement le deux poids deux mesures et s'illustre par une scandaleuse cécité sur les drames qui frappent certains peuples lorsque ses intérêts commandent. Les tragédies en Palestine et au Congo sont des exemples frappants de son hypocrisie.
Si la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc de l'est a consacré l'hégémonie politique, économique et militaire de l'Occident, celle-ci est désormais contestée sur le plan culturel et social.
L'universalisme des valeurs prônées par l'Occident a vécu. Ses valeurs sont perçues comme des antivaleurs hégémonistes et condescendantes, surtout lorsqu'elles sont portées par une frénésie prosélytiste et des ingérences politiques.
Autrefois l'économiste égyptien, Samir Amin, avait prôné la déconnexion économique des pays du Sud pour briser la division internationale du travail qui leur assignait le rôle de simples producteurs des matières premières ou de pourvoyeurs de forces du travail.
Aujourd'hui il aurait prédit la déconnexion socio-culturelle pour protéger les consciences du suprémacisme socio-culturel occidental.
Charles Kabuya
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