LE DERNIER APÔTRE...
Ils furent treize au départ. Les treize parlementaires qui déclenchèrent courageusement la fronde qui aboutira quelques années plus tard à la déliquescence du pouvoir autocratique de la deuxième république.
Des treize il est le seul survivant à être resté constant dans ses convictions et son combat pour la démocratie au Congo. Par sa résistance, symbolisée par l'image qui illustre ce texte, il a démythifié la dictature et redonné la parole à ses compatriotes.
Au début des années 80, presque tous ceux qui aspiraient à la démocratie dans notre pays ont été soit militants, soit sympathisants de l'Udps. Je me souviens qu'en 1981 alors que je venais d'avoir mon baccalauréat (diplôme d'état du secondaire) et de m'inscrire en 1ère année de droit à l'université de Kinshasa, une révolte des étudiants avait éclaté sur fond de soutien aux treize parlementaires frondeurs. Avec les autres étudiants de la promotion j'ai jeté des pierres sur les bus Sotraz et les forces de l'ordre aux côtés d'un fils Tshisekedi (malheureusement jai oublié son prénom).
Nous prîmes des risques énormes car la répression de ce mouvement fut Impitoyable. Un jour où mes parents m'interdirent d'aller manifester avec mes condisciples, une répression s'abattit sur le campus de Kinshasa et les étudiants considérés comme meneurs furent enrolés de force dans l'armée. Les larmes aux yeux, je vis à la télévision les images de la répression sur quelques uns de mes condisciples avec lesquels j'avais jeté des pierres sur les forces de l'ordre la veille. Habillés en tenues militaires, ils étaient forcés de faire des exercices dans un camp de l'armée. Ce jour là j'ai peut-être échappé à un autre destin grâce à la fermeté de mes parents...
A l'époque, notre engagement dans ce mouvement de révolte n'aurait jamais vu le jour sans l'acte courageux d'Étienne Tshisekedi et de ses compagnons. Cet acte était perçu par la jeunesse estudiantine comme une bouffée d'air, comme une libération dans l'atmosphère étouffante du Zaïre de Mobutu, où le pouvoir autocratique était à son apogée, soutenu par un appareil sécuritaire des plus Impitoyables. D'ailleurs cette année fut pratiquement une année blanche, l'Université de Kinshasa ayant ete fermée.
Malgré les vicissitudes de la vie politique, les controverses sur la stratégie politique, les désaccords, les désaffections et compromissions de certains compagnons, il est resté droit dans ses bottes. D'où son aura extraordinaire et son exemplarité qui inspire le respect de toute la classe politique, jusqu'au delà de nos frontières, et en a fait un adversaire très redouté par tous les pouvoirs.
Nul n'étant parfait, on lui a parfois reproché le solde de certains comptes du passé et certains propos plus récents, mais sa ténacité et sa constance dans les convictions doivent demeurer notre plus grand héritage de ce grand homme, dans un pays où le manque de probité de la classe politique confine à la prostitution.
Etienne Tshisekedi est parti au terme d'une vie politique riche d'enseignements. Les congolais doivent en tirer les leçons et mûrir. Ils ne devraient pas se laisser bercer par la nostalgie d'une figure tutélaire. L'homme a tiré sa révérence après avoir accompli sa mission d'éveil. Son décès ne devrait pas donner lieu à des comportements chaotiques et déboussolés. Nous devons accomplir notre part en faisant des enseignements de sa vie, engagée mais pacifique, une référence en politique.
Il fut sans conteste un véritable un apôtre de la démocratie dans notre pays. Le dernier à avoir résisté jusqu'au bout. Car au cours de sa lutte rien ne lui a été épargné. Cette lutte, il l'a aussi vécue dans sa chair: emprisonnements, tortures, relégations etc. ne l'ont pas fait fléchir. C'est pourquoi sa détermination à faire passer l'intérêt du peuple congolais avant sa propre intégrité physique et avant les intérêts matériels doit continuer à inspirer les futures générations.
La classe politique congolaise doit se projeter dans une dynamique du renouvellement. La très longue carrière de papa Étienne Tshisekedi comme référent à la tête de l'opposition doit nous interpeler pour faire émerger des émules, en insufflant du sang neuf dans la sociologie de notre espace politique.
Rendons lui l'hommage déférent qu'il mérite (loin des mauvaises polémiques partisanes ou d'inspiration crypto-tribale), sur la place des grands hommes de notre pays...
Charles KABUYA
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