Le Blog de Charles Kabuya

LES PROVINCES DU KIVU NE SERONT JAMAIS "LES SUDÈTES"...

 

 

Le recours à l’histoire a pour vertu de tirer les leçons du passé pour mieux appréhender les situations nouvelles. Certaines similarités historiques interpellent, elles peuvent servir de mise en garde pour l’opinion et, surtout,
pour les gouvernants afin de leur éviter des erreurs tragiques. Ne dit-on pas que l’histoire est un eternel recommencement ?

 

L’histoire des Sudètes semble toute indiquée pour évoquer la tragédie qui se déroule actuellement à l’est de la RDC et qui risque de conduire à une catastrophe annoncée. Les « Sudètes » constituaient une région tchèque bordant le 3ème Reich allemand. Cette région
était peuplée majoritairement de populations allemandes ayant migré durant plusieurs décennies.

 

Après son avènement au pouvoir, Hitler réclama le rattachement des « Sudètes » à l’Allemagne. Et il obtint gain de cause car à l’époque les puissances européennes étaient soucieuses de ne pas indisposer le dirigeant Nazis pour éviter la guerre, le souvenir de la tragédie de 14-18 étant encore frais dans les mémoires.

 

Mais surtout, Hitler était arrivé à ses fins en instrumentalisant les populations allemandes des « Sudètes » au nom du « pangermanisme », une notion d’identité raciale. Toutefois, l'annexion des « Sudètes » par Hitler et l’invasion de la Tchécoslovaquie et de la Pologne déclenchèrent la 2ème guerre mondiale. Au cours des premières années de la guerre cette région subira une purification ethnique en faveur des populations d'origine allemande. Finalement, après la défaite de l'Allemagne nazie en 1945 les « Sudètes » furent restituées.

 

Depuis quelques années, la frontière orientale de la RDC est devenue une zone de turbulences communautaires où les conflits violents sont chroniques. Il est clair qu'elle fait l’objet de convoitises diverses de la part de certains états riverains et des intérêts maffieux opérant à partir de ces pays (Ouganda, Rwanda, Burundi). Cette situation a favorisé l’éclosion d’une nébuleuse de groupes armés « criminogènes », au grand dam des populations locales qui vivent le martyr. Outre le district de l’Ituri, les deux provinces du Kivu sont au cœur de ces turbulences dont le « Deus ex machina » vient d’être désigné par un rapport des experts de l’ONU.

 

C’est un secret de polichinelle que d’affirmer que le pouvoir de Paul Kagamé (pour ne pas le citer) est plus qu’une partie du problème qui se pose dans cette région ravagée par la barbarie humaine. Son attitude vis-à-vis de son voisin qu’est la RDC ne laisse pas de place à l’équivoque quant à ses intentions belliqueuses et déstabilisatrices. Il a soutenu et soutient en RDC plusieurs mouvements centrifuges ou séditieux depuis son arrivée au pouvoir. Les mouvements soutenus par Kagamé ont un profil ethnique rwandophone tutsi et le Rwanda ne cache pas que son but est de protéger les intérêts de ces
populations établies sur le territoire congolais. De ce fait, les intérêts communautaires apparaissent en filigrane derrière les revendications d’un mouvement comme le Cndp de Laurent Nkunda ou de son succédané qu’est le fameux M23 qui fait parler de lui en ce moment.

 

La première question qui vient à l’esprit est celle de se demander pourquoi les populations rwandophones tutsi (qui sont ultra-minoritaires au sein d'une république comptant plus de 450 tribus répertoriées par l'autorité coloniale) sont les seules au nom desquelles les armes sont portées, les seules au nom desquelles Paul Kagamé envoie ses commandos appuyer le M23, alors que la constitution actuelle de la RDC offre des garanties de nationalité et d’établissement à toutes les minorités congolaises.

 

Les rwandophones tutsi du Congo sont des compatriotes à part entière, ils ont toute leur place au sein de la nation, sauf ceux qui manifestent une double allégeance. Certes il y a les impondérables conflits locaux ou les conflits de terres entre les communautés riveraines comme il en existe dans beaucoup de pays du monde, mais ils se résolvent par le dialogue et l’équité démocratique.

 

De ce point de vue, il est clair que c’est bel et bien l’interventionnisme du pouvoir de Kigali qui attise les flammes dans une situation déjà compliquée par l’installation depuis bientôt 20 ans ( !) d’importantes populations hutu rwandaises après le génocide de 1994. L’une des conséquences de cet interventionnisme de Kigali c’est l’exportation de la dualité ethnique rwandaise en RDC, ce que Colette Braeckman appelle les « métastases du conflit rwandais ». Tout se passe comme si Kigali pariait sur la montée de la xénophobie et voudrait capitaliser les antagonismes ethniques pour pouvoir conduire à une « rupture » radicale de la part de cette communauté, ce qui permettrait de justifier les revendications irrédentistes. D’ailleurs un discours à peine voilé commence à fuser dans ce sens.

 

Aussi, la seconde question qui vient à l’esprit est « que cherche Paul Kagamé au Congo ? » Il est évident (et connu) que l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC est une motivation importante de l’oligarchie militaro-politique rwandaise. Une économie parallèle fondée sur le pillage des richesses congolaises prospère à Kigali et à Kampala, et elle enrichit à
outrance une bourgeoisie qui soutient ces régimes. Ainsi l’idée de pouvoir un jour capter « officiellement » cette région dans l’orbite rwando-ougandaise fait son bonhomme de chemin. Cet objectif est facilité par les désordres congolais (inefficacité de l’état et des forces de sécurité, confusion politique,
Inflation des groupes armés etc.)

 

Le pourrissement de la situation profite à Kigali qui trouve en ces populations rwandophones du Congo des alliés de circonstance. La stratégie est celle de la victimisation qui vise à profiler ces populations comme étant tout d’abord « rwandophones » avant d’être « congolaises ». L’identité et la solidarité ethniques avant celle de la nation. Dans cette optique, les populations sont instrumentalisées par une forme de solidarité ethnique sans frontières. C’est ainsi par exemple que dans l’armée congolaise un commandement parallèle, ayant des accointances « externes », a été évoqué au sein des troupes théoriquement brassées. Ceci a rendu l’armée inefficace et a généralisé la méfiance en son sein. Du reste, les « mutins » du M23 sont des transfuges du Cndp, c’est-à-dire une création de Kigali, sans qui ils n’auraient pas fait le poids devant les Fardc.

 

L’objectif de Kagamé apparait aujourd’hui au grand jour : avoir une mainmise sur tout ou partie des provinces du Kivu et leurs richesses.
Pour cela, il mise sur la défection à terme des populations rwandophones plongées dans la tourmente des conflits communautaires locales, désignées parfois à la vindicte populaire, car accusées de duplicité.

Il est déjà le mentor de leurs milices ; en aggravant la situation, il apparaitra comme leur protecteur; forçant la rupture du pacte national, comme Hitler avec les colonies allemandes des sudètes…

 

Ce n’est pas la diplomatie « munichoise » et hypocrite des occidentaux qui peut arrêter le rêve qu’il caresse. Le mépris de la vie de millions d’hommes et de femmes, victimes de sa politique agressive ne le rend pas infréquentable, au contraire… Si rien n’est fait pour arrêter les projets immodérés de cet homme, nous allons au devant de drames inimaginables.

 

Mais ce qui est sûr c’est que les Kivu ne seront jamais « les Sudètes », le pacte national de saura être rompu par des intérêts extérieurs à notre nation. Que ceux qui ambitionnent de bousculer les frontières d’un état pacifique se souviennent des leçons de l’histoire : la guerre de cent ans en Europe avait fini par s’achever sans que personne n’en soit réellement sorti vainqueur. Car au bout du compte la France est restée ce qu’elle est, l’Angleterre
aussi.

Tous ces morts pour rien…

 

Charles Kabuya 



25/08/2012
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