Le Blog de Charles Kabuya

"LINGALOGIE" ET POLITIQUE

S'il est une spécificité Rd congolaise en Afrique francophone, c'est le fait que la langue française, qui est notre langue officielle, n'occupe pas la place importante dans la communication sociale qu'elle a dans les autres pays de cet espace linguistique.
Cette spécificité est due principalement à l'héritage colonial belge dont on sait qu'il n'avait pas brillé par la promotion de l'indigène de la colonie. On ne reviendra pas sur les chiffres calamiteux de la scolarisation, en comparaison de ce qui se passait dans les colonies françaises. D'ailleurs il suffit de traverser le fleuve pour se rendre compte que les populations de même ethnie qui vivent en face de nous manient couramment la langue de Molière dans toutes les classes d'âge.

À ce handicap originel il faut ajouter le fait que l'effondrement du système éducatif au cours des 32 années de règne de Mobutu n'a pas arrangé les choses. 
Certains diraient que cela n'est pas si capital de maîtriser la langue du colon; tandis que les tenants de la renaissance africaine, chez qui souffle un vent de révolte, réclament l'institutionnalisation des langues africaines majeures à l'échelle du continent.
C'est un voeu que personne ne saurait rejeter. Cependant, à l'heure de la mondialisation et des technologies avant-gardistes de la communication, il ne serait pas judicieux d'achopper sur la problématique des langues, car tout va si vite. Traduire tout le savoir universel en nos langues est une oeuvre herculéenne qui prendra nécessairement beaucoup de temps.

Pour prendre le cas de notre pays, il n'existe aucun ouvrage de sciences, d'économie ou de technologie en langues nationales. Ce qui signifie que pour accéder aux connaissances et aux savoirs nécessaires qui permettent d'être au contact de notre temps il faut maîtriser un minimum la langue française, qui est la langue de l'enseignement dans notre pays. Or on constate que le niveau du français y est très faible. Ainsi une grande majorité de la population n'a pas les moyens intellectuels d'accéder aux savoirs élémentaires. Ceci a un impact non négligeable sur la société. Les questions de société et les débats politiques sont impactés par cet état des choses. C'est ainsi qu'il y a une carence de rationalité dans la manière dont nous abordons les questions qui sont essentielles au devenir de notre pays. Et cela se remarque par le fait que dans presque tous les domaines la médiocrité n'est jamais loin...

Ailleurs la maîtrise de ces questions (par le biais de la langue) opère une sorte de sélection, tandis que chez nous la lingalaphonie a envahi l'espace et le débat politique (occultant même le fait que nous avons trois autres langues nationales). 
Il est impossible de faire la politique en lingala ou en kikongo au Congo-Brazza, en dioula ou en bété en Côte d'Ivoire. Mais chez nous ceux qui font la pluie et le beau temps, surtout dans la diaspora, sont des lingalaphones "handicap 0", et parfois il suffit de balbutier un français "racaille" pour impressionner ceux qui sont au pays. C'est dire le niveau du débat... Ce dernier est réapproprié, parfois confisqué et orienté par des groupes de pressions illégitimes grâce à la viralité offerte par les réseaux sociaux. D'où un nivellement par le bas inéluctable.

Cette dérive inquiétante fait qu'on voit aujourd'hui n'importe quel individu farfelu prétendre à des fonctions importantes, voire les plus hautes fonctions. 
Il n'y a plus d'échelles de valeurs...



14/05/2015
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