L’ORGIE DU 30 JUIN 1960 SE PROLONGE…
Après des décennies de frustrations dues notamment à l’infériorisation subie pendant la colonisation belge, l’indépendance du Congo a été attendue (ou espérée) comme un moment de libération et de prétention à une situation meilleure. Mais, hélas ! le congolais n’avait pas été préparé à assumer la charge de son pays, et ce dernier manquait drastiquement de cadres formés et compétents, capables de réaliser les espoirs des millions de personnes ayant fraichement accédé à la citoyenneté.
Sur les cendres de l’administration coloniale belge, on n’a pas su bâtir une administration efficace et encore moins jeter les bases d’une bonne gouvernance. Notre péché fut originel (et capital) : la convoitise et la jalousie firent perdre la tête aux membres des nombreux corps sociaux, et le pays sombra dans une sorte d’orgie pathétique. Dans presque tous les secteurs de la vie nationale la convoitise était généralisée. Des personnes non compétentes se mirent à exiger, menaces à l’appui, d’occuper les postes laissés par les belges alors qu’un traité avait prévu le maintien de l’encadrement belge en vue d’une africanisation progressive.
Les militaires furent les premiers à « sonner l’hallali ». Face à la perspective de rester dans une position de subordonnés en attendant la lente africanisation prévue, ils perdirent la discipline qui faisait de la Force Publique l’une des meilleures armées du continent africain et le corps le mieux organisé du nouvel état. Alors que les belges n’avaient formés que des sous-officiers, les militaires exigèrent dans l’immédiat des postes de commandement auxquels ils n’étaient pas préparés. Lorsque Lumumba déclara que : « ce n’est pas parce que le Congo est indépendant que nous pourrons faire d’un soldat de seconde classe un général », il fut assailli de menaces. Dans une lettre rendue publique par des soldats on pouvait lire ceci :
« Cher Lumumba, frère aimé des blancs, (…) nous vous garantissons les ruines infernales de vos pouvoirs et de votre Congo aussi longtemps que vous nous injuriez des ignorants et incapables de prendre les places de vos frères blancs (…) La date du 30 juin sera légendaire si les leaders politiques n’envisagent pas l’amélioration de la vie militaire. Hitler Adolphe n’était qu’un simple caporal quand il avait fait couler le sang (…) Chers leaders, n’oubliez pas cette leçon. »
Du côté de l’administration, Justin Bomboko (membre du premier gouvernement) subit lui aussi les foudres des fonctionnaires lorsqu’il estima que les stages organisés à la va-vite n’étaient pas suffisants pour nommer des premiers secrétaires dans l’administration. Tout en sachant que les congolais n’avaient pas les compétences requises, le syndicat des fonctionnaires (APIC) déclara en agitant des menaces :
« Nous exigeons avant le 30 juin que la baguette magique opère quand même les miracles auxquels l’homme de la rue s’attend. l’Apic demande la nomination des « milliers » de congolais aux catégories supérieures, aux grades de rédacteurs, chefs de bureau, directeurs voire même aux grades de directeurs généraux »
Face à la pression de ces corps sociaux et au départ précipité de l’encadrement belge, le gouvernement se mit à nommer des personnes non légitimes à des postes importants. L’administration du pays fut désormais entre les mains des personnes inexpérimentées, avides de pouvoir et de biens matériels, ceci précipita le pays dans la paralysie et le chaos.
Ces nominations continuèrent jusqu’aujourd’hui sur la base des affinités familiales, ethniques, et surtout du clientélisme politique ou maffieux. Une forme de culture de l’incompétence s’est installée et a été banalisée dans nos consciences, elle a généré la corruption et la mauvaise gouvernance dont nous pâtissons.
Aujourd’hui encore chez nous congolais n’importe qui peut prétendre à n’importe quoi. On voit dans nos communautés des gens s’improviser « leader », faire leur « show » et même être suivis sans que cela na choque. Ça va des plus farfelus aux plus obtus, en passant par des illettrés. Cela n’étonne plus car nous avons perdu le sens des valeurs, notamment la valeur de la compétence et du savoir minimal pour contribuer à l’érection d’une société moderne et démocratique.
Alors sortons de cette orgie interminable, et embrassons la culture de la compétence et du savoir-faire…
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