Le Blog de Charles Kabuya

« Pourquoi les hommes politiques congolais ne sont-ils pas démocrates ? » REPONSE A NICOLAS LISIKI

La question de la démocratisation de la praxis politique en RDC est un vaste sujet qui a des ramifications dans l'histoire politique et la sociologie de notre peuple. D'ailleurs, c'est une question récurrente dans la plupart des pays d'Afrique noire. Car comme vous le savez, la démocratie n'est pas la chose la mieux partagée en Afrique, ce continent étant toujours à la traîne en matière de libertés publiques et de bonne gouvernance. Aujourd'hui, on trouve le plus souvent en Afrique ce que certains appellent la "démocrature", c'est-à-dire un vernis de démocratie qui cache en fait des systèmes autocratiques. Celle-ci passe notamment par un dévoiement des éléctions qui permet la légitimation du pouvoir.
En ce qui concerne la RDC, je vous réjoint lorsque vous dite que notre pays a été "fortement influencé par les conditions de sa colonisation et les conditions de sa libération". En effet, le régime colonial belge a été particulièrement féroce et son leg principal pour nous a été "la coercition" comme méthode d'administration. Les conditions de notre émancipation sont connues: face à une administration coloniale non prévoyante et peu soucieuse de l'émancipation des indigènes, les enchères sont vite montées. D'où une émancipation dans la précipitation et dans l'impréparation des élites. Cependant, ces élites avaient hérité de l'appareil d'état colonial (bien que vidé de sa substance) et d'institutions qu'elles n'avaient jamais appris à faire fonctionner. A partir de ce moment, de cette naissance "illégitime", le mal a pris pied et ses symptômes ont été: incompétence, népotisme, tribalisme, clientélisme et j'en passe... Par ricochet, la socété n'a pas pu bénéficier d'une dynamique évolutive à cause des carences des élites censées la tirer vers le haut. Elle a surtout pâti de l'effondrement des institutions dédiées au progrès social (éducation, santé, justice...) et de la crise économique (chômage, faim, exode rural...) D'où une société stagnante, voire en régression sur beaucoup de plans, comme sur le plan éthique. A cause de cette crise mulitiforme, la dynamique sociale a été sclérosée par le matérialisme au quotidien (la recherche permanente d'un moyen de survie à n'importe quel prix accapare toute l'energie de l'individu et fait passer au second plan toute autre considération)
Cette configuration a été idéale pour le politique qui s'est ainsi aisément affranchi des contraintes de la démocratie, d'autant plus qu'il a été lui-même le fossoyeur de cette dernière. Car l'attrait du pouvoir et ses avantages ont pris le dessus sur sa conscience citoyenne. La mesquinerie, l'égoïsme, et parfois la cruauté, caractérisent ainsi la classe politique en Afrique. D'où des politiques au ras des pâquerettes, de la vélléité à la place de l'ambition et l'inculture démocratique comme une nécessité pour que le pouvoir puisse se perpétuer.
Je comprend parfaitement l'agacement  de beaucoup de compatriotes lorsqu'on ressasse le sujet du traumatisme colonial. Mais n'en déplaise à leur amour propre, ce traumatisme est bel et bien là, et les incantations ou la méthode coué ne suffisent pas pour le faire disparaitre. Nous en sommes victimes dans notre comportement au quotidien car certaines de nos attitudes ne sont que mimétisme du colonialiste. Un seul exemple, chacun de nous peut se poser la question sur son comportement vis-à-vis du personnel de maison (domestique) au pays. D'ailleurs on continue à les appeller communément "boy" (Boyi) comme le faisaient les colons. Sommes-nous nombreux à avoir bien traité ces personnes (humaines)? On a toujours agi par mimétisme des colons en ne les considérant pas comme nos égaux. J'ai voyagé dans la province de l'Equateur et j'ai vu de mes propres yeux le sort fait aux twa (pygmées) par les bantu: mépris, oppression, travail peu ou pas remunéré, chicotte etc... Bref toute la panoplie des sévices coloniaux que nous avons toujours décriés.

Seulement, on oublie que la démocratie commence dans la société, par l'acquisition et l'intégration des principes comme le respect d'autrui. D'aillieurs, ces principes de respect et de bienséance ont toujours existé dans nos sociétés traditionnelles bien avant la colonisation qui les a dévoyés (les colons ont inversé les échelles de valeurs traditionnelles en faisant par exemple chicotter le chef de famille devant ses épouses et ses enfants ou le chef coutumier devant ses sujets)

Devant de tels traumatismes, le travail urgent que devaient faire nos élites était un travail de "réparation" pour restaurer l'homme dans sa dignité. La démocratie, ce pouvoir par et pour le peuple, est un objectif qui ne peut être atteint que si le peuple a les "moyens" de l'excercer et s'il n'est pas laissé à la marge par une élite égoïste qui dispose d'un appareil d'état représsif lui permettant de conserver le pouvoir dans son essence "primaire", c'est-à-dire un pouvoir qui n'est que le monopole de la violence. Ce peuple rendu pratiquement "inoffensif" par des manipulations en tous genres (appel au reflexe ethnique lors des élections, corruption etc...) ou par l'intimidation n'a pu prendre conscience de son rôle de souverain premier. Celui-ci étant ainsi exercé par une classe politique souvent compromise.

Pour aller plus loin, je dirai que la classe politique est souvent le réflet de la société. Lorsqu'une société est "en panne", elle peut produire des dirigeants médiocres si les élites ne prennent pas à coeur leur rôle de locomotive ou de catalyseurs de la société. Par sa passivité, un peuple n'aura que des dirigeants qu'il mérite... Souvenons-nous que la démocratie est un combat et qu'elle exige une vigilance de chaque instant, car la tentation totalitaire demeure présente dans nos contrées africaines. C'est pourquoi, même dans les pays du nord, syndicats, associations, partis politiques veillent contre les dérives du pouvoir...



29/11/2010
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