Le Blog de Charles Kabuya

QUAND LE CONGO VA SE REBIFFER...

 

Lettre aux amis occidentaux de la RDC (USA, Belgique, France, Royaume Uni)

 

UNE TERRE DES TRAGÉDIES 

La Congo-belge a toujours été une terre conquise et acquise pour les puissances occidentales depuis la fin 19e siècle.

D'abord terre soumise à l'esclavage à la fois occidentale et orientale, elle sera déclarée Res nullius (terre de personne) dont s'emparera le roi Léopold II de Belgique.

 

Son acte de baptême à la Conférence de Berlin en 1884-85 conditionna son destin : toutes les puissances européennes se mirent d'accord pour offrir ce vaste territoire, dont l'étendue des richesses était insoupçonnée à l'époque, au monarque d'un minuscule pays, créé à peine quelques décennies auparavant (la Belgique, autrefois territoire sous domination espagnole, fut créée le 4 octobre 1830).

La condition essentielle était que ce territoire et son bassin, le plus vaste du monde après l’Amazonie, soit ouvert à l'exploitation des grandes compagnies marchandes européennes et nord-américaines. 

 

Il faut aussi dire que Léopold II joua habilement sur la rivalité entre les grandes puissances et accepta d'octroyer un droit de préemption à la France (selon les termes conclus avec le français Jules Ferry, le Congo reviendrait à la France au cas où le roi des Belges échouerait dans son entreprise de colonisation et d'exploitation). En même temps, il s'attacha les services d'un congressiste américain d'extrême droite, qui rêvait de renvoyer les anciens esclaves noirs américains en Afrique, pour faire du lobbying en faveur de la reconnaissance de son État indépendant du Congo (EIC) par les USA. Ce qu'il obtint.

 

Ainsi la destinée du Congo était désormais toute fixée, il sera un territoire à exploiter au profit exclusif des puissances tutrices, un territoire “ouvert” sans restrictions à leurs compagnies, selon la terminologie qui fut consacrée. 

Toutes les convoitises occidentales pouvaient y avoir libre cours ; tandis que ses populations indigènes seraient taillables et corvéables à merci.

 

En effet, les “traités” “signés” par les chefs des tribus indigènes, en apposant une simple croix sur un texte qu'ils ne comprenaient pas, accordaient et les terres et les populations qui y vivaient à l'imperium de Léopold II. 

Pour aller plus vite, son émissaire, Henri Morton Stanley, avait remarqué que les bouteilles de Gin qu'il offrait aux chefs des tribus faisaient des merveilles. Ils signaient avec enthousiasme après quelques gorgées du précieux breuvage.

Le hold-up accompli, le territoire sera soumis à l'une des traites humaines les plus abominables de tous les temps.

 

L'abondante littérature sur l'histoire de ce territoire, propriété privée d'un monarque qui n'y mit jamais les pieds, a détaillé les horreurs dont furent victimes les indigènes. Notamment la pratique des mutilations, des assassinats de masse, le travail forcé ou encore les sévices corporels, comme la chicotte qui bien souvent n'épargnait même pas les chefs des villages.

 

Une plongée au cœur des ténèbres du Congo de Léopold II, par la plume de Joseph Conrad, a glacé d'effroi plus d'un lecteur, tant l'inhumanité y est décrite jusqu'à la nausée. L'historien américain Adam Hochschild parle d'un véritable holocauste, horrifié par le nombre colossal des victimes de cette barbarie humaine.

 

Ce sont d'ailleurs des Britanniques qui furent les premiers à révéler au monde le scandale de l'exploitation esclavagiste instituée par les sbires du monarque belge sur le territoire de l’EIC. Edmund Morel et le consul britannique dans l’EIC, Sir Roger Casement, furent à la base du plus grand mouvement international pour les droits de l'homme créé au 20ème siècle.

 

“Congo Reform Association” (CRA) de Morel connût un retentissement mondial et eût son pendant aux USA, l’”American Congo Reform Association”, animée par de grandes figures intellectuelles américaines, dont les écrivains Arthur Conan Doyle (auteur de Sherlock Holmes) et Mark Twain (auteur de Tom Sawyer).

Ces mouvements sensibilisèrent l'opinion mondiale sur la tragédie congolaise au point que des manifestations importantes furent organisées en Europe et en Amérique pour revendiquer les droits des populations indigènes du Congo.

 

Finalement le territoire fut repris en main par l'État belge en 1908, moyennant un dédommagement accordé à Léopold II. 

 

Ce deuxième round de l'exploitation du territoire, appelé désormais le Congo belge, brilla essentiellement par une ségrégation raciale dans tous les pans de la vie : éducation, habitat, emploi etc. Et surtout par le désir de maintenir l'indigène dans sa condition subalterne, selon la formule “pas d'élite, pas de politique”. Ainsi la colonie fut l'une des plus désavantagées en Afrique en termes de formation des cadres. Au moment de l'indépendance elle n'avait qu'une petite poignée d'étudiants universitaires, aucun médecin, aucun ingénieur, aucun officier dans l'armée. Cette carence en ressources humaines aura des conséquences rédhibitoires lors des premiers pas du jeune état indépendant. 

Certains diraient qu'on subit encore aujourd'hui les répercussions de cette rareté des compétences…

 

En toute logique, l'émancipation du Congo a été arrachée après une âpre lutte pour l'indépendance.

Le nationalisme a été la réponse à l'oppression coloniale et la conséquence de ce passé tragique, comme le rappela Patrice Emery Lumumba lors de son discours du 30 juin 1960 devant le roi Beaudouin Ier de Belgique. Discours qui, dit-on, scella son sort et celui de ceux de sa mouvance nationaliste.

 

En effet, Lumumba et toute la mouvance nationaliste et panafricaine du Congo furent impitoyablement éliminés. Leurs bourreaux agirent comme des barbares, perpétuant (par mimétisme ?) les sévices endurés par les populations indigènes durant des décennies de traite et d'exactions en tous genres.

 

Dans tout cela, l'Occident était à la manœuvre, d'autant plus que la guerre froide battait son plein. Ce gigantesque pays au cœur de l'Afrique, regorgeant de minerais stratégiques ne pouvait échapper au giron occidental. La Belgique y veillait, la France ne voulait pas être en reste dans ce plus grand pays francophone du monde, le tout verrouillé par la CIA qui avait ses tentacules partout, avec les membres de la classe politique cornaqués par le résident de l'agence (y compris le Chef d'état lui-même) 

 

LE CONGO EST RESTÉ ATTACHÉ À L'OCCIDENT

Le Congo a été l'un des tous premiers pays subsahariens à déployer la télévision en 1965, notamment dans la métropole kinoise et dans la deuxième ville du pays, Lubumbashi. Ainsi la jeunesse congolaise subira déjà à l'époque l'influence culturelle occidentale à travers les films de série B, les péplums ou encore les westerns spaghetti.

On en porte encore les vestiges dans notre langage populaire. Les mots “yankees” ou “yuma”, par exemple, fleurissent nos expressions.

Le passage de Mohamed Ali et George Foreman ainsi que la méga star James Brown à Kinshasa nous a rendu l'Amérique presque familière à travers des clichés iconiques.

La France, Paris nous fait rêver à défaut de devenir belgicains, ces premiers mikilistes (ceux qui sont partis en premier en Europe)

 

Le Congolais aime et idéalise l'Occident, mais c'est un amoureux éconduit, négligé par celui ou celle qui incarne son désir. Aujourd'hui il se sent même méprisé.

 

Car, bien qu'il fut traité de la manière la plus abominable durant la colonisation, ce malgré tout ce qu'il a donné par son travail forcé, ses richesses minières exploitées sans contrepartie (l'uranium d’Hiroshima et Nagasaki offert gracieusement), ses fils ayant vaillamment combattu au cours des deux guerres, sans toucher après une pension d'anciens combattants de la part de la Belgique ;

 

Bien qu'il a été maltraité après l'indépendance, dont les ingérences étrangères l'ont privée en partie, que sa liberté a été confisquée sous une dictature protégée par l'Occident, qui a longtemps fermé les yeux sur la mauvaise gouvernance ;

 

Bien que son territoire ait toujours été disponible pour les services occidentaux afin de mener des opérations militaires secrètes, notamment lors de la guerre d'Angola ;

 

Malgré que l'Occident à été à la manœuvre des tentatives de sécession au Katanga et au Sud-Kasaï, et que cette menace de balkanisation plane toujours sur sa tête ;

 

Bien qu'aujourd'hui, il est attaqué par des pays (Rwanda et Ouganda) armés et protégés par l'Occident, qu'il fait les frais de la diplomatie de repentance de la Belgique et de la France à cause du génocide rwandais, auquel il n'est ni de près ni de loin mêlé ;

 

Bien que ses populations de l'est ont été décimées par millions, ses femmes éventrées et violées, des familles entières en déshérence et sans abris alors qu'elles n'ont commis aucun crime ;

 

Le Congo a toujours encaissé ces injustices et ces mépris avec un certain fatalisme.

 

Mais cela ne sera pas toujours ainsi, ad vitam aeternam…

 

LA SOMME DES CONSCIENCES DÉPASSERA CELLE DES TRAHISONS…

Aujourd'hui, grâce à internet, les médias permettent une plus grande circulation de l'information.

Les images des injustices, du mépris, des atrocités gratuites commises sur le peuple Congolais sont partagées, elles indignent jusqu'à outrance.

 

Mais surtout elles forgent la conscience des nouvelles générations de Congolais.

 

Des consciences incorruptibles. 

 

Pas comme celles sur lesquelles comptent les tireurs de ficelle, qui ont l'habitude de corrompre et de manipuler des Congolais pour les embrigader dans des mouvements contre leur propre pays.

 

Ces tireurs de ficelle préfèrent passer par des pays tiers, spécialisés dans le banditisme international, pour acquérir les minerais congolais de contrebande, plutôt que de traiter directement avec l'État congolais.

 

Cette nouvelle génération est en train de naître.

 

Et si l'Occident n'y prend garde et ne corrige pas ses attitudes injustes vis-à-vis du Congo, ce qui s'est passé au Niger, au Burkina et au Mali ne sera rien à côté…

 

Le cave se rebiffe, un jour…

 

Charles Kabuya 









04/05/2024
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