QUELQUES PROPOSITIONS POUR DES SCRUTINS INDIRECTS PLUS EFFICACES EN RDC
Nous avons assisté à une grande effervescence après l'annonce des résultats des élections sénatoriales, dont l'issue a montré une configuration monopolistique de la famille politique du président sortant. Les militants du parti de l'actuel chef de l'état s'insurgent et crient à la corruption de leurs députés provinciaux qui sont des grands électeurs au sein des assemblées provinciales, mais n'ont pas voté pour les candidats-sénateurs de leur parti.
Au delà de la morale et de l'idéal en politique, on constate malheureusement que la pauvreté est une des limites à la démocratie en Afrique. Ceux qui se font élire en s'endettant pour la campagne résistent difficilement à la tentation devant une malette de billets. Les candidatures aux élections sont considérées comme un investissement par la plupart des candidats et les mandats politiques comme un retour sur investissement.
Tant que les candidats ne seront pas financièrement soutenus par les partis politiques lors des campagnes électorales, ils seront à la merci des tentations ou de leurs créanciers. Dans notre pays les élections coûtent cher, pas seulement parce qu'il faut un budget de campagne, mais également parce que le corps électoral attend "des actions" sur le terrain. Autrement dit, des faveurs soit en numéraire, soit en cadeaux de toutes sortes ou encore en initiatives coûteuses (réparer les routes, ponts, rénover des bâtiments etc.)
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les mots d'ordre et les consignes des partis politiques soient allègrement ignorés, d'autant plus que les élections sont en principe libres. Le député provincial électeur est seul face à sa conscience, il vote pour ceux qui incarnent l'idéal auquel il croit. Cette liberté lui est garantie par la constitution. On ne peut pas la lui retirer sans violer cette dernière. S'il s'avère que c'est une personne cupide, il sera difficile de s'assurer de sa loyauté.
Sur ce point il est du ressort des partis politiques de faire leur "casting" avec discernement. De bien inculquer à leurs candidats et militants les valeurs cardinales qui fondent leur combat, car la politique est un sacerdoce.
Au niveau institutionnel je voudrai faire ces quelques suggestions :
I. ENVISAGER LE FINANCEMENT DES PARTIS
Il faudra envisager de mettre en place un véritable mécanisme de financement des partis politiques afin qu'ils puissent prendre en charge une bonne partie des frais de campagne de leurs candidats. Cela a été fait dans beaucoup de pays occidentaux après des décennies de scandales de corruption des élus...
Il est de notoriété publique que l'organisation des élections coûte déjà cher à la nation, et envisager en plus de financer les partis politiques par le budget national peut sembler utopique. Mais si c'est le prix à payer pour améliorer notre démocratie, il ne faut pas s'interdire d'y songer. L'aide des partenaires extérieurs dans le cadre de l'appui à la consolidation de la démocratie peut également être sollicitée pour mettre en place les financements nécessaires.
J'exhorte la nouvelle législature à initier une nouvelle loi sur le financement des partis politiques en RDC. Celle votée en 2008 n'était pas assez pertinente et elle n'a pas été suivie de décrets d'application depuis plus de dix ans. Une commission permanente chargée de la gestion du financement des partis politiques pourrait être mise en place à cette occasion.
Cependant, un des préalables serait d'inciter activement au regroupement des partis politiques, dont le nombre doit être ramené à des proportions raisonnables. De la même manière la conditionnalité du financement pourrait être un seuil à atteindre lors du scrutin précédent.
Le financement pourrait alors se faire sous forme d'un remboursement des frais de campagne...
II ÉLARGIR LE CORPS ÉLECTORAL
En RDC la loi électorale a prévu deux types de scrutins :
- À suffrage direct : président de la République, députés nationaux et provinciaux, conseillers (de secteur, de chefferie, municipaux)
- À suffrage indirect : sénateurs, gouverneurs, maires, bourgmestres, chefs de secteur.
Concernant ce dernier mode de scrutin , je suggère d'élargir le corps électoral pour ce qui concerne les élections sénatoriales et celles des gouverneurs et leurs adjoints.
Les sénateurs et les gouverneurs devraient être élus par tous les mandataires qui ont été élus au suffrage direct dans la province, en dehors des députés nationaux. C'est à dire qu'il faudrait élargir le corps électoral aux conseillers de secteur, aux conseillers de chefferie et aux conseillers municipaux.
En faisant appel à tous ces grands électeurs de la province on va rendre plus complexes les actes d'influence négative, comme la corruption que l'on déplore actuellement. En effet, face à un corps électoral plus élargi il sera beaucoup plus difficile de contourner la loi et la morale politique.
Tous ces efforts conjugués pourront permettre, à mon sens, d'améliorer le climat électoral et d'atteindre les objectifs de consolidation de notre démocratie...
Cela dit, le vrai changement ne viendra que si l'homme congolais change. Sinon on aura beau changer la règle, il s'y adaptera...
Me Charles KABUYA
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