Le Blog de Charles Kabuya

RDC : à Kiwanja, symbole de résistance, la parole se libère après le départ du M23

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Cet article du correspondant de l'AFP dans les zones récemment libérées par l'armée congolaise apporte un témoignage édifiant sur le calvaire vécu par les populations civiles qui étaient prises en otages par les rebelles du M23 et leurs soutiens.

 

KIWANJA, 4 novembre 2013 (AFP) - "Le M23 nous a fait très mal, ils nous ont maltraités", raconte un adolescent de Kiwanja, ville de l'Est de la République démocratique du Congo où ce mouvement rebelle a été accusé de pillages systématiques ayant provoqué un soulèvement de la population.

Les rebelles "ont emporté des marchandises de commerçants, pillé [des camions], emporté les jeunes garçons. On avait un couvre-feu à 18h00 [16h00 GMT], alors à partir de 17h00, on commençait à tout ranger. Ils étaient durs, pas gentils avec les gens, et si tu as un problème avec eux, c'est fini !" poursuit le garçon de 17 ans.

"Ils ont pris l'argent qui sert à acheter le poisson que je vends. On n'a pas pillé chez moi, mais chez ma belle-soeur oui. Ils ont pris quatre chèvres, des ustensiles de cuisine... Ils violaient", affirme Rehema, 36 ans. Elle ne connaît personnellement aucun cas de femme violée, mais Farida, 30 ans, confie avoir "vu une vieille violée".

Le Mouvement du 23 mars s'est retiré de Kiwanja le 27 octobre, après plus d'un an d'occupation. Entre juin et août, il s'est livré à une série de pillages, selon Kinshasa et la Mission de l'ONU (Monusco) au Congo. Chargée de la protection des civils, cette force internationale dispose d'une importante base à Kiwanja, située à 80 km au nord de Goma, capitale du Nord-Kivu.

Le M23, soutenu selon la communauté internationale par le Rwanda et l'Ouganda, a plutôt évoqué des contributions volontaires en nature.

Le 24 juillet, les habitants, excédés, ont mis le feu à des paillotes utilisées par les rebelles. Suite à quoi "le M23 a appelé à un meeting où il avait rassemblé des hommes et des jeunes [...] Des jeeps ont fait des tours et des tours pour prendre les gens ", explique Elizé, 17 ans, qui n'était pas présent mais dont la version corrobore d'autres témoignages.

"Les maîtres du monde"

Rehema, Farida et d'autres femmes sont allées réclamer la libération de leurs fils et maris à la base de la Mission de l'ONU à Kiwanja. "Ils sont venus très tard mais on comprend : la Monusco est faite de personnes qui peuvent avoir peur", dit Rehema. "Eux-aussi ils ont du sang dans leur corps", renchérit un coiffeur.

Exsangue lundi après la contre-offensive de l'armée lancée le 25 novembre, le M23 discute tant bien que mal d'un accord de paix avec le gouvernement à Kampala, en Ouganda, mais les discussions achoppent sur l'amnistie dont pourraient bénéficier les rebelles. Quoi qu'il advienne, Farida espère que le gouvernement protègera les citoyens de Kiwanja.

"Si au dialogue on dit qu'ils peuvent réintégrer la population, ils vont venir exterminer les civils de Kiwanja", prédit-elle. "S'ils reviennent, je vais aller dans mon territoire d'origine, à Lubero [plus au nord]", ajoute le coiffeur.

Dans les rues de Kiwanja, la présence des militaires est très importante. Parmi eux samedi, des éléments congolais de la Fomac, la Force multinationale d'Afrique centrale, qui a participé aux récents combats à Kahunga, à quelques kilomètres de Kiwanja, et qui était de passage dans la ville.

"Nous sommes dans une cité qui vient de sortir de la guerre, sermonne à ses gardes du corps un officier de la Fomac, dans la cour d'un hôtel. Il faut bien vous comporter, sinon, je vous remplace ! Vous ne devez pas tracasser la population, demander un [billet de] 500 francs (environ 0,5 dollar), une cigarette..."

Quant à l'activité économique, ralentie quand la rébellion était là, elle reprend peu à peu. Le couvre-feu a été bien vite oublié : la nuit, de petits restaurants offrent à manger, on se promène dans la rue où, naguère, on risquait une "balle dans la tête", se souvient le coiffeur.

On se moque même du M23. " Ils disaient : +C'est nous qui sommes les maîtres du monde ! Personne ne nous enlèvera d'ici !+ ", raconte Rehema en riant. "Ils se baladaient et disaient qu'ils sont le +M-twentytree+ ", rigole l'adolescent en imitant leur accent anglais et en prenant une allure de rappeur.

Le coiffeur s'estime toujours en "zone rouge". "Un petit pays pauvre comme le Rwanda qui veut déranger les gens! s'énerve un homme assis dans un hôtel. La population est prête à accompagner notre armée ! Il faut prendre des machettes !"



05/11/2013
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