Le Blog de Charles Kabuya

RDC: LA PRÉSIDENCE CONDITIONNELLE...

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À l'occasion de l'élection présidentielle programmée ce 23 décembre en RDC, nous avons assisté à la mise en place des accords électoraux au sein des différentes obédiences politiques.


C'est la famille du chef de l'état sortant qui a dégainé en premier avec la mise en place du Front Commun pour le Congo (FCC), réunissant la Majorité présidentielle et une frange de l'opposition qui participe au gouvernement depuis les accords politiques controversés de la St Sylvestre.


Si cette coalition électorale a pour ambition de permettre à la famille politique de Joseph Kabila de gagner l'élection présidentielle afin que le pouvoir soit transmis à son dauphin désigné, E. Ramazani Shadary, il ne semble pas y avoir (officiellement) des conditions particulières imposées au futur chef de l'état dans l'accord signé par ses membres.


Ce n'est pas le cas avec les accords électoraux signés par les adversaires du pouvoir actuel. En matière de conditionnalités, c'est l'accord de Genève qui tient le pompom. En effet, cet accord qui a donné naissance à la coalition Lamuka, dont Martin Fayulu a été désigné (dans des conditions troubles) comme le candidat porte-étendard, est un chef d'œuvre de ce dont les politiciens congolais peuvent être capables en terme d'ambition politique égoïste. Au mépris de la constitution et de la morale politique, l'accord de Genève fait de ce pauvre Martin Fayulu un figurant chargé de représenter les véritables patrons de la coalition (les exclus JP Bemba et Moïse Katumbi) sur la scène de l'élection présidentielle.

 

Plus précisément, cet accord prévoit de manière anticonstitutionnelle qu'une fois élu, monsieur Fayulu devra s'effacer au bout de deux ans en organisant une nouvelle élection afin de permettre aux exclus de revenir dans le jeu, et certainement le remplacer...

 

Encore plus cocasse, Fayulu, président de la République démocratique du Congo (excusez du peu), devra s'astreindre à faire un rapport hebdomadaire à une poignée d'individus (ses patrons) afin que ces derniers puissent s'assurer qu'il respecte bien la feuille de route que lui impose l'accord de Genève. Ainsi, les conditions contenues dans cette entente privée planneront sur la tête du chef de l'état et régiront la République !


Au-delà de leur anticonstitutionnalité, ces conditions sont politiquement immorales. Seul le fanatisme, ayant des ressorts autres que rationnels, peut expliquer l'adhésion de certains intellectuels à une telle démarche politique... Surtout lorsqu'on ajoute à cela la confusion dans l'attitude adoptée face à la machine à voter. Sur ce point, le discours de la coalition Lamuka est contradictoire et plein d'ambiguïté, au point que ses propres partisans sont dans la confusion, ne sachant pas s'ils doivent voter au moyen de la MAV ou suivre les consignes farfelues les incitant à rendre leur vote nul...


Tout cela pousse à s'interroger sur les véritables intentions de cette coalition : est-elle dans une stratégie électorale ou dans une stratégie de boycott et de sabotage des élections ?


Mais faire élire Fayulu, susciter l'espoir de ses partisans, et lui demander de s'effacer après deux ans, n'est-ce pas une forme d'escroquerie envers le peuple ?


L'autre aspect qu'ont semblé oublier les géniteurs de cet accord de Genève est que la nature humaine étant ce qu'elle est, est-ce que Fayulu devenu constitutionnellement président accepterait-il de remettre son pouvoir en jeu au bout de deux ans ? D'autant plus qu'il aura le soutien de ses électeurs... Cela préfigure de nombreux conflits à l'horizon avec les parrains.

 

Dans tous les cas, nous sommes en présence d'une scène proche du rocambolesque, on en rirait s'il ne s'agissait pas de l'avenir de notre pays...


Quant au pacte signé à Nairobi par Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, il ressemble plus à un accord circonstanciel et opportuniste qu'à un véritable engagement politique. Il suffit là encore de se référer aux conditions très curieuses qui sont imposées au candidat. Dont l'une est anticonstitutionnelle et probablement irréaliste : l'engagement à ne briguer qu'un seul mandat s'il est élu. Cette condition institue par fait privé une présidence tournante ! Elle semble ignorer que l'Udps est un parti historique qui n'est pas prêt aujourd'hui ni demain à jouer les figurants sur la scène politique nationale, et encore moins d'être à la remorque d'un autre parti politique...


Les autres conditions, dont l'énumération des postes juteux à réserver à une des parties à l'accord, sont également immorales. Le cas échéant elles auraient dû faire l'objet d'un accord secret et non être mises sur la place publique comme si cela faisait partie de la normalité républicaine.


Ainsi qu'on peut le voir, la boulimie du pouvoir préside encore à nos démarches politiques.
Notre pays est en quelque sorte pris en otage par les ambitions politiques de certains acteurs, qui sont plus prépondérantes à leurs yeux que l'intérêt du peuple congolais.


Pour faire émerger le Congo, nous devons sortir de cette logique patrimoniale du pouvoir...

 

Me Charles KABUYA



17/12/2018
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