Le Blog de Charles Kabuya

REFLEXIONS SUR LES REVOLTES POPULAIRES EN TUNISIE ET EN EGYPTE

 

J'ai suivi avec une extrême attention les événements en Egypte et en Tunisie. Tout le monde espère qu'un effet domino pourra balayer tous les régimes inflexibles qui pullulent en Afrique. Je me rappelle cette phrase de Mobutu (qui lui était d'ailleurs revenue comme un boomerang): "Le fruit ne tombe que quand il est mûr, mais devant l'ouragan de l'histoire, mûr ou pas mûr il tombe quand même..."

 

Les derniers développement de l'actualité dans ces deux pays sont, à mon avis, la conséquence du phénomène de globalisation. Et c'est ce même phénomène qui avait conduit à la chute de l'Urss. Avec l'évolution et la rapidité des moyens de communication, il est de plus en plus difficile de cacher l'incurie et l'échec d'un système. A l'heure de l'internet et des médias, il n'est plus possible de maintenir une chape de plomb sur des populations qui aspirent à plus de liberté, de bien-être et de bonheur. Tout d'un coup, des régimes qui obtenaient le satisfecit des institutions internationales sur certains aspects performants de leur gestion économique se retrouvent anachroniques sur le plan de la liberté et de la démocratie.

 

La Tunisie et l'Egypte ont fait d'énormes progrès sur le plan des infrastructures, qui sont d'ailleurs sans commune mesure avec celles des pays d'Afrique sub-saharienne. Les villes du Caire et de Tunis sont plus propres et mieux équipées que les nôtres (fourniture en eau potable, en élécricité, transports publics, hôpitaux etc...), mais en même temps ces pays développaient des sociétés à deux vitesses, dirigées par une oligarchie mafieuse et souvent familiale. Ils voyaient la frange des exclus s'agrandir de manière exponentielle, tout comme la pauvreté  Les conséquences de la crise économiques sont également passées par-là, surtout en Tunisie où l'ancrage industriel n'était pas très fort, faisant que le pays ne pouvait pas résister au rouleau compresseur chinois qui a préempté tous les marchés de la délocalisation pour devenir "l’atelier du monde". Dans ce contexte, c'est surtout le fait que la liberté et la démocratie étaient confisquées qui a agi comme le catalyseur de la révolte. Il faut croire que le vase était trop plein, car il a suffit d'une goutte d'eau pour que la frustration et la fureur contenues débordent. Rien ne sera plus comme avant, même si l'occident veille au grain pour que "la transition" soit suffisamment pilotée afin que le "péril islamiste" reste circonscrit.

 

Quid de l'Afrique sub-saharienne? Je dirai que l'aspiration aux valeurs de la liberté et de la démocratie est inscrite au coeur même de notre combat pour l'indépendance, qui a commencé il y a plusieurs décennies. Aujourd'hui, nous sommes également exposés à la globalisation grâce à internet et aux médias, malgré un accès moins aisé. Or, la mauvaise pratique de la démocratie dans nos pays laisse encore un goût amer jusqu'à présent et augmente notre frustration. Nos dirigeants ont échoué dans le développement de nos pays et dans l'édification des nations modernes. A cause de cela, l'Afrique n'a pas toujours suffisamment intégré les valeurs universelles de liberté et de démocratie. C'est ainsi que dans sa grande majorité, l'africain reste bien souvent encore prisonnier du clientélisme ou du fanatisme (politique ou religieux), si ce n'est de ses attaches ethniques. Bref, l'obscurantisme règne en maître en Afrique.

 

Cependant la conscience politique existe bel et bien, l'aspiration à la liberté et au bonheur aussi. Mais le débat politique est souvent inintelligible à cause des carences et des contradictions. D'où la question pertinente serait celle-ci: "comment faire la révolution africaine, et pourquoi faire?" Sans des réponses opératoires, l'Afrique s’empêtrera dans ses contradictions et continuera à accumuler du retard...



07/02/2011
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