VOUS AVEZ DIT PRÉFÉRENCE NATIONALE ?
À Kinshasa j'habite un quartier résidentiel où il n'y a aucun commerce de détail à proximité. Pour faire les courses, acheter à manger ou n'importe quel autre produit de première nécessité il faut prendre sa voiture et faire près de 3 kilomètres pour trouver le premier supermarché ou des petites boutiques. C'est vraiment une galère, surtout le week-end quand on a envie de se reposer.
Récemment j'ai découvert que quelqu'un tenait une petite boutique au coin d'une des rues du quartier. Très content de cette découverte, je me suis rué dedans, en me disant enfin que j'allais pouvoir désormais faire des petites courses sans être obligé d'effectuer un long trajet en voiture. Mais quelle ne fut ma déception! Dans ladite boutique il y avait trois rayons vides sur quatre. Sur le seul rayon garni on trouvait quelques boîtes de sardines, deux ou trois packs de soda, des bonbons et des biscuits. C'est tout !
Non, j'ai oublié : le propriétaire de la boutique était assis sur une vieille chaise en plastique devant une petite télé aux images tremblantes, en train de regarder la fameuse chaîne Nollywood qui diffuse des séries et films nigerians (Des soap opéras à l'africaine qui captivent les foyers dans beaucoup de pays du continent). Le son était à fond et il commentait les images avec deux amis accoudés au comptoir de la caisse.
C'est à peine s'ils ont remarqué ma présence, tout subjugués qu'ils étaient par le sorcier jetant un sort à une dame à l'écran. Déçu, j'ai jeté un dernier coup d'oeil sur les rayons vides et je suis sorti à pas feutrés pour ne pas déranger ce beau monde si occupé. J'imagine que les jours des matchs de football de la liga espagnole l'endroit doit être transformé en amicale des supporters. Le commerce n'étant plus qu'un prétexte subsidiaire...
Sur le chemin du retour, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la loi votée en Rdc qui réserve l'exercice du commerce de détail aux nationaux. Voilà un quartier résidentiel où il n'y a pas de commerce de détail, où il existe une importante clientèle potentielle, désespérée par la distance qu'il faut accomplir pour se ravitailler en produits de première nécessité. Un désert commercial où il n'y a pas pour l'instant de concurrence. Mais ce congolais ne s'en rend pas compte. Il se contente de végéter dans sa boutique aux rayons vides.
Et si demain un indien ou un chinois ouvrait une supérette bien achalandée dans le quartier, satisfaisant du coup les habitants par l'offre régulière et complète des produits de première nécessité, on criera qu'il préjudicie les commerçants congolais et on réclamera l'application de la préférence nationale?
En matière de commerce, la qualité du service dépend du dynamisme des acteurs économiques, et non de leur nationalité.
Rappelons-nous de la zaïrianisation...
Charles Kabuya
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